Ma démarche, philippe desloubières

Au départ, pensées comme des formes à l'apparence sereine et à la plastique pure, imprégnées de l'univers du végétal, mes sculptures ne demandent aujourd'hui qu'a s'échapper vers des contrées plus baroques et incertaines. Elles touchent à l'identité, à l'espèce, au genre dans ce qu'ils ont de commun et de différent. Mes sculptures jonglent entre un univers artificiel, semblant issues du monde de la bande dessinée à un rapport au monde plus existentiel, une quête de nos racines.

En tant que grand lecteur de romans policiers, je me laisse prendre au piège des histoires où les codes de la fiction et du réalisme cohabitent parfaitement.

La forme naît d'abord sur le papier en deux dimensions de façon spontanée et intuitive, le volume ne prend corps qu'au moment de la fabrication et de l'élaboration de la sculpture.

La ligne courbe reste une des constantes dans l'évolution des formes, elle devient une sorte de fil souple mais tendu qui affirme des pleins, des vides mais aussi des frontières ondulées rompant l'espace. Peut-être, ai-je un ressenti similaire à celui d'Oscar Niemeyer qui voit en la ligne droite, rigidité et contrainte alors que la ligne courbe nous entraîne vers des territoires inconnus. Chaque sculpture est crée à la suite de l'autre, la réalisation de la première engage la forme de la suivante, comme des arrêts sur image dans l'ensemble d'un développement.

Si la courbe arrive jusqu'à présent comme un fondamental, le vide qui habite chaque forme est aussi essentiel, mes sculptures sont des sortes d'enveloppes sans organes dont la forme et l'épiderme évoluent au fil des années.

Je travaille uniquement, bien que je rêve parfois d'autres matériaux, avec des feuilles d'acier pliées, découpées, soudées tel un tailleur. Ce matériau lisse, résistant qu'est l'acier, arrive souvent comme contraignant, il engage une sorte d' affrontement avec la matière qui doit se plier à mes propres désirs. Une fois les différents éléments soudés entre eux, la forme finale reste à l'état naturel de l'acier corten ou sinon peintes de couleurs rutilantes conçues à l'origine pour les carrosseries de voiture. En couleur, elles affirment leur caractère ludique et lyrique, oxydées, elles manifestent davantage leur matérialité et cherchent même à se confondre au paysage, surtout en automne.

Leur taille de réalisation est importante, car selon l'échelle, elles s'intégrent au contexte ou au contraire viennent pertuber le point de vue. J'aime aussi quand mes sculptures arrivent telles des intruses dans le décor. La partie lourde se trouvant souvent en haut et reposant sur une mince tige ne fait qu'ajouter à l'anomalie, c'est un jeu d'équilibre arbitraire, comme la baguette de bois que l'on tente de garder droite sur le nez.